Faut-il faire du benchmark de vos KPIs? La réponse va vous étonner (non)

 » Chers prestataires, mais néanmoins amis,
Je sors à l’instant du comité de pilotage de notre projet d’induction digitale des verticales B2B : le copil, le comex, et le codir étaient présents, et nous avons pu nous enquérir de votre nouveau Dashboard de Pilotage 360 de la performance disruptaire réalisé par vos soins. Je dois le dire, tous les directeurs de services m’ont transmis leurs plus sincères félicitations, et cela relance le débat interne du décommissionnement des tableaux de pilotage Excel 2003. Jean-Pierre Mougin, directeur délégué aux synergies technologiques intra-groupe, m’a toutefois fait part d’une remarque qui a, je dois le dire, éveillé la curiosité de l’assemblée. Jean-Pierre a en effet constaté que le taux de rebond de notre site éditorial était de 45,3%, mais il s’est demandé s’il était possible de fournir un comparatif par rapport à la concurrence. En particulier, il a mentionné son ami Jean-Jacques, responsable adjoint de la roadmap de déploiement MOA chez Cogexa Informatique, chez qui le taux de rebond serait plutôt de 43,8%. Je ne vous le cache pas, notre concurrence avec Cogexa est féroce, et cela rassurerait les comités de disposer d’une comparaison ou d’une moyenne marché sur le taux de rebond. Et c’est après tout pour votre expertise sur la veille stratégique que nous vous avons choisis comme agence de web analytique « 
Tendres salutations,
Michel Michel
Head of drive to store customer centricity EMEA, APAX, LATAM, DTC
Microgiciel Hauts de France, Best Place to Work pour la 27ème année consécutive
Pensez à l’environnement, n’imprimez cet email que si nécessaire

Peut-être connaissez vous cette histoire par cœur : lorsqu’on a mené ce qui ressemble à un projet d’analytics dans les règles de l’art, au moment de la livraison d’une première analyse ou d’un premier dashboard, une fois sur deux, fatalement, se pose cette question de comparer une metric donnée (trafic, taux de rebond, taux de conversion…) à ce qui se fait chez la concurrence (oui, si vous le préférez, dites KPI ou métrique, je ne vous en voudrai pas).

Google Analytics 720, Webalab exclusive Edition

Psychanalyse en 47 étapes simples

Faisons un peu de sociologie organisationnelle de comptoir, en nous demandant pourquoi le client (qui peut tout à fait être votre N+1 ou un product owner quelconque si vous travaillez chez l’annonceur, mais  » client  » ça va plus vite à dire) se pose, après tout, cette question. L’explication, la plupart du temps, est plutôt simple : le client découvre ce concept saugrenu qu’est la webanalytics, les metrics qu’on lui met à dispo sont un concept nouveau pour lui, et il veut savoir  » si c’est bien « . Mettons nous à sa place, dans un domaine différent : il y a quelques mois, j’ai acheté un Fitbit Inspire HR (note pour l’équipe commerciale de Webalab : penser à insérer des liens d’affiliation). C’est la première fois que j’ai une montre connectée qui me donne mon rythme cardiaque, je fais beaucoup joujou avec, et je peux sans aucun problème le comparer à une moyenne sur une des personnes ayant le même âge, poids, activité physique & cie… Fitbit dispose sans doute d’un dataset tout ce qu’il y a de plus carré, et il est complètement pertinent d’aller se comparer à des utilisateurs similaires, pour se rendre compte si mes 13 litres de café quotidiens ont vraiment une conséquence sur ma santé. Vous voyez où je veux en venir ?

Les metrics de la webanalytics, au contraire, sont par nature très spécifiques, et dépendent énormément de la façon dont vous allez configurer votre tag manager et/ou l’admin. Prenons quelques exemples de façons dont on peut tordre une metric en 2 temps 3 mouvements, et donc faire qu’elle n’aura absolument rien à voir avec ce que voit votre concurrent / une quelconque moyenne marché :

  • Quid de la durée de la session, dans le cas où vous avez un taux de rebond assez important et/ou du contenu sur lequel les utilisateurs peuvent passer beaucoup de temps ? Cela va créer un biais important avec des durées de session sous-estimées lorsque l’utilisateur quitte le site après avoir passé beaucoup de temps sur un contenu très long.
  • Quid du taux de rebond si vous avez un tant soit peu travaillé sur le fait de mettre certains événements en mode  » non-interaction  » (ce qui est une bonne pratique, rappelons-le) ?
  • Quid du nombre de pages vues par session si vous avez une techno de type SPA (React, Vue…), où chaque composant peut être appelé unitairement, et où vous pouvez aussi bien avoir des events que des pages vues ?
  • Quid du taux de conversion, qui peut être calculé de plein de façons différentes (par utilisateur, par session, par tête de pipe) ?

Ce ne sont que 3 exemples parmi des dizaines d’autres qui sont des  » usual suspects  » de metrics de web analytics très utiles, mais où la méthodo d’implémentation devra être adaptée à votre problématique business et technique.

Et encore, je ne parle pas de ce qu’on peut objectivement considérer comme des  » bugs  » d’implémentation :

  • Double page vue qui fait passer le taux de rebond à 0.
  • Erreur de paramétrage dans GTM qui classe mal une source de trafic.
  • Redirections surprises qui cassent votre tag de page vue…

Les cas où un benchmark est pertinent

Dans la plupart des cas, il n’est donc pas pertinent d’aller chercher des benchmarks pour les metrics remontées dans vos outils d’analytics. Cela dit, en se cantonnant à un univers digital, il existe tout de même quelques cas où cela peut avoir du sens. Prenons 3 exemples :

  • Le CPC des concurrents sur Google Ads. Alors loin de moi l’idée de vous donner une leçon sur la façon de mener vos campagnes de SEA, je suis très loin d’être un spécialiste, mais cela fait a priori partie des classiques que tout expert du domaine va attentivement regarder pour savoir quel CPC viser sur une typologie de requêtes donnée.
  • Le taux d’engagement de vos posts sociaux (likes, partages, etc. rapporté au nombre de fans ou de followers). Ici les données sont parfois (mais pas systématiquement) publiques, et vous pouvez totalement aller récupérer le nombre de vidéos vues ou de retweets d’un concurrent, comme vous le feriez pour vos propres assets sociaux.
  • Même chose pour ce qui est des metrics de perfs avec des outils de type Lighthouse de Google.

Point commun entre ces cas ? La metric soit mesurée de la même façon. Par le même outil, voire sans outil du tout. Et surtout, sans votre interprétation personnelle de la chose et tout ce que vous auriez pu faire pour la maltraiter (la metric, pas votre interprétation personnelle de la chose).

Profitons d’un petit aparté que je me gardais sous le coude : les infâmes rapports d’analyse comparative de Google Analytics. Oui, oui, ceux qui sont bien cachés honteusement, tout en bas de la rubrique  » Audience  » :

Je ne vais pas m’échiner à mettre un screenshot de ces rapports, qui, pour lesquels tous les voyants sont au rouge en ce qui concerne les points discutés plus haut. Je serais tout à fait curieux de savoir par quelle diablerie Google a choisi d’inclure ces rapports, qui, pour ne rien arranger, posent des questions pour ce qui est des paramètres de partage des données (mais une nouvelle fois, ceci est un autre sujet).

Oh et puis allez, polluons un peu ce blog de qualité, si jamais vous voulez voir la tête que ça a :

Mais regardez moi ça… ça me donne envie de me tailler les veines

C’est comme scier une balle dans le pied de la branche sur lequel on est assis. Ou l’inverse.

Les alternatives

Nous avons donc parcouru le sujet du le non-sens que représente en général le fait de  » benchmarker  » (si ce verbe existe) vos metrics par rapport à la concurrence dans le domaine de la webanalytics. Cela dit, votre client qui a placé tant d’espoir (et d’argent) en vous, comment est ce qu’on lui  » donne à manger «  ? Le contre argument que j’ai personnellement utilisé quelque chose comme 976 fois au cours de ma carrière consiste tout simplement à dire que plutôt que de savoir quel est le taux de rebond des concurrents, il est plus pertinent de ne pas se contenter de la valeur que l’on a dans son outil d’analytics, mais de le segmenter par catégorie d’appareil (desktop, mobile, tablette), par famille de source de trafic (paid, owned, earned), ou encore par typologie de page d’entrée (homepage, catégorie, landing page, pages produits…). Souvent, dans le cadre de quelqu’un qui débute un peu dans le game de la webanalytics, ce type de segmentation tout ce qu’il y a de plus sommaire, et que l’on a sans aucun problème sur n’importe quel outil du marché, est déjà plus que suffisant pour aller chercher des vraies pistes d’optimisation. Et je vous fais confiance pour aller chercher des sous-segments plus pertinents et fins dans le cas où le besoin s’en fait ressentir.

Suggestion complémentaire, si jamais vous êtes vraiment en panne d’inspiration, un bon AB Test de derrière les fagots sur un élément crucial du site, en testant un élément très mis en avant (un call to action, un visuel produit…) pourra sans doute créer une forme de segmentation assez naturelle sur un élément important du site ou de l’app en question.

Conclusion

Finissons sur un argument ultime, que vous allez forcément entendre à un moment où à un autre, en particulier si la personne vous demandant la metric en question est le responsable en transformation digitale de votre agence :  » oui mais le client va te le demander « . Ce à quoi je vous conseille de rétorquer ma devise lors de mes années agence :  » si ton seul outil est un marteau, tous tes problèmes sont des clous  » (mes amitiés à tous les consultants en transformation digitale, au fond je sais qu’on doit avoir quelque chose en commun, enfoui très très loin mais quand même).

Et bien sûr, ensuite, vous aurez désormais cet article, que vous pourrez lui transmettre, et si jamais il n’est pas d’accord, on règle ça à l’amiable sur le parking du Leroy Merlin de Chantepie, cette nuit à 3h. Dans le respect de la personne.

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